Je soumets ce texte que j'ai reçu d'un ami à votre réflexion. je pense qu'il soulève des questions importantes concernant l'éducation et l'autorité des parents. Cela me rappelle la réflexion d'un ami français habitant à Marrakech qui me relatait un extrait de la conversation d'un policier du pays avec des jeunes qui commençaient à faire des bêtises : "...Attention, vous n'êtes pas en France ici..."
"Laissez-nous dresser nos gosses comme au bled"
Par Renaud PILA
"Un couvre feu ? Les parents immigrés que TF1.fr a rencontrés à la Courneuve
et Aubervilliers doutent de son efficacité. Pour eux, les méthodes
éducatives du "bled" sont plus efficaces. Reportage.
"Elles ne veulent pas parler ; elles n'ont pas confiance " explique Samir en
désignant deux mères de famille africaines qui poussent leur landau au loin.
Ce mardi là, sur un marché de la Courneuve, je ne suis pas le bienvenu. Venu
pour dialoguer avec des parents sur un éventuel couvre-feu dans leur ville,
je dois faire profil bas. Ni appareil photo, ni magnétophone, tout juste un
cahier pour prendre des notes, car ici les médias ne sont pas toujours bien
vus. Après une demie-heure de déambulation dans ce quartier plutôt paisible,
j'engage une discussion avec Samir. Il a 24 ans et travaille en France
depuis quatre annnées. " Le couvre-feu ? Ce n'est pas vraiment la bonne
solution. Les jeunes vont se mettre à faire des conneries la journée.
L'hélicoptère avec des projecteurs, c'est plus efficace. Il a tourné au
dessus de Sarcelles et d'Aubervilliers la nuit dernière, et du coup il n'y a
pas eu de violence. Les gamins ne peuvent plus se cacher sur les toits ou
entre les immeubles."
Ce jeune homme a passé sa jeunesse en Algérie et l'autorité, selon lui, ne
se discute pas.
"Jamais je n'ai vu ces conneries au bled, explique-t-il ; si je n'étais pas
rentré à l'heure du dîner, ce n'était même pas la peine que je franchisse la
porte de chez moi. Mon père m'aurait donné des claques ou des coups de
savates ".
Il passe ses étés au bled
Plus loin, chez le marchand de fruits, une jeune femme noue le dialogue
facilement. Sonia est visiblement heureuse de pouvoir dire " sa colère "
face aux événements. " Il faut punir les enfants qui font ça mais aussi les
parents qui laissent faire. Mon fils de 7 ans me demande pourquoi certains
de ses grands copains traînent dehors le soir et je ne sais pas quoi lui
répondre ". Le bled, cette jeune femme de 35 ans l'évoque aussi. Ses parents
vivent à Oran et son père lui a demandé samedi dernier d'y envoyer son
petit-fils. " Il n'est plus en sécurité en France " lui a-t-il dit.
L'envoyer en Algérie maintenant, pas question car il est Français. En
revanche, son garçon passe tous ses étés au bled. " Il y apprend le respect
et la peur des punitions ; c'est très bien comme ça. C'est un bon musulman
aussi, et ça c'est important " explique-t-elle avec passion. Son témoignage
est poignant.
Respect, autorité, punitions. Les mots sonnent dans la bouche de ces parents
comme des repères, des règles élémentaires de la vie en communauté. " Que la
police nous laisse punir nos enfants comme on veut, supplie Abdel, père de
deux enfants; si on tape nos enfants qui font des conneries, ils vont aller
se plaindre à la justice. Du coup aujourd'hui, les pères ont peur de leurs
gamins. Il faut nous laisser faire, comme en Tunisie. Là-bas, les gosses ne
font pas la loi vous savez. Ici, ils sont trop gâtés et ils ne veulent pas
travailler ". Comme pour mieux expliquer en profondeur ce qui se passe, il
s'arrête puis reprend avec vigueur : "de toute façon, les femmes ont pris
trop de pouvoir ici ; les hommes ne font plus peur dans leur famille et chez
les Arabes, ça doit fonctionner comme ça. Moi aussi, j'ai peur de certains
jeunes, en bandes, à Aubervilliers, et ce n'est pas normal ".
"C'est un langage normal"
Ces propos peuvent choquer, ils sont crus. Ils révèlent, à coup sûr, le
décalage culturel entre notre perception des problèmes et des réalités
décrites autrement, parfois violemment. Et n'allez pas demander à Abdel si
les " vrais mots " de Sarkozy (" nettoyer " ou " racaille ") ont pu
provoquer ou attiser la colère de jeunes : " c'est un langage normal ; ce
sont les jeunes des cités qui ont créé ces mots et s'expriment comme ça. Il
a dit ça sans arrière-pensée et il essaie de faire des choses ".
Une heure auparavant, Sonia voyait les choses différemment. Bien intégrée
dans la société française, elle semble approuver l'action du ministre de
l'Intérieur, mais pas son vocabulaire des dernières semaines. " Nous, on
peut l'utiliser, mais pas un ministre. Je l'aime bien mais là, il aurait
mérité une punition " suggère-t-elle avec un sourire presque affectueux.
Punition, ce mot revient encore, dans des quartiers où il semble avoir
disparu de la vie de certaines familles. Les règles du bled ont disparu. De
nouvelles règles sont à réinventer dans ces quartiers, bien au-delà d'un
simple couvre-feu temporaire."